25 janvier 2005

lewis trondheim, ALIEEN

[cette critique est parue originellement sur le site bdparadisio]

Qu'est-ce qui est le plus étonnant : que Trondheim fasse la découverte d'une BD extra-terrestre dans son patelin, ou bien que la dite BD ressemble follement à du Trondheim? Et attention: du Trondheim du meilleur tonneau s'il vous plaît.

Les deux premières choses qui sautent à l'oeil à la lecture de ALIEEN, c'est, de un, les superbes couleurs obtenues grâce à un effet "faux ben day" que n'aurait pas renié Chaland, et de deux, la grande violence des récits constituant ce livre. Mais il y a plus. ALIEEN est tout à la fois beau et affreux, bête et brillant, tendre et cynique, un régal pour l'oeil et pour la cervelle.

Mine de rien, Trondheim fait dans le conte moral à la sauce cartoon. Les motivations de ses personnages extra-terrestres sont fascinantes de vérité. On reconnaît les travers humains de manière tellement saisissante et avec si peu de moyens (et sans jamais appuyer le propos) qu'on ne peut en être que profondément bluffé. Les enfants qui liront ce livre "jeunesse" n'en seront que moins idiots.

Bien plus que Donjon ou Lapinot, on reconnaît surtout dans ALIEEN l'auteur du Pays des trois sourires et autres Genèses apocalyptiques. Sauf qu'ici, Trondheim éclipse ces anciennes oeuvres par une narration aussi ingénieuse que lumineuse (d'autant que le livre est a priori incompréhensible aux humains) que sert un dessin que je n'ai jamais vu aussi beau, doux et efficace. Et c'est là l'autre agréable surprise de ce grand petit livre, surtout de la part d'un auteur qui a annoncé officiellement qu'il lâchait les pinceaux pour un temps. Quelle idée, monsieur Trondheim, alors que vous êtes de toute évidence en pleine possession de vos moyens!