willem, le feuilleton du siècle
[cette critique est parue originellement sur le site bdparadisio]
Quel bouquin, mais quel bouquin. Deux cent pages de Willem du meilleur cru qui résument, pour le bien de notre éducation personnelle, ce 20e siècle qui est déjà (on nous le dit depuis presque un an maintenant) tout-à-fait du passé.
Sans doute que dans le cas de Willem, avec ses personnages décadents et cyniques à l'extrême, servis par un graphisme "ligne claire qui a pris un coup", il va y en avoir qui n'aimeront pas. Mais il vaut mieux y regarder à deux fois. Franchement, les premières fois que j'ai lu du Willem dans le Charlie Hebdo, je n'ai remarqué que le racoleur de ses images lubriques et peu ragoûtantes. Puis j'ai découvert son côté fichtrement incendiaire qui n'épargne rien ni personne, sa totale irrévérence envers tout ce qui s'appelle politique, bref, sa manie de "tirer sur les ambulances" comme il le dit en entrevue. Ce qui me frappe maintenant avec ce livre, c'est l'équilibre et la justesse de ses observations politiques.
Paradoxalement, ce qui semble du "pipi-caca" parfaitement gratuit au départ devient en bout de ligne symbole d'une réalité autrement bien plus dégueulasse... Le siècle dernier, semble nous dire Willem, c'était la débauche totale, et Le feuilleton du siècle s'en fait la métaphore illustrée. Évidemment, se dit-on, on sait d'avance ce qui va se passer... mais Willem s'assure bien de nous servir des passages peu ou pas connus de l'Histoire, et toujours assez peu édifiants. (J'ai pas compris toutes les références, m'enfin.) Quant aux moments que l'on croit bien connaître, l'interprétation qu'en donne l'auteur en laisseront plus d'un pantois. Fantaisiste, Hitler reconverti en baron colombien de la drogue? Évidemment. Mais la situation, l'enchevêtrement de liens et de relations que Willem relate demeure néanmoins tout-à-fait crédible a posteriori, et c'est là que le malaise s'installe et que les rires (qu'on présume de couleur jaune) fusent.
L'auteur s'avère très à l'aise à nous raconter le 20e siècle en deux cent pages. Il manie la forme du feuilleton avec intelligence et élégance. À cause de l'abondance de dialogues et de situations, je suggère une lecture lente et attentive de cette brique. La forme de feuilleton se prête d'ailleurs très bien à ce rythme de lecture. Bref, un gros bouquin superbe qui décape de bout en bout, mais qui n'est pas moins animé d'une évidente compassion envers les véritables victimes du siècle dernier, ces hommes et ces femmes qui continuent à faire les frais des guerres, qu'elle soient mondiale, froide, à la drogue, civile, humanitaire ou terroriste... Eh, Cornélius, à quand la publication de La paix dans le monde pour compléter le tableau historique?
1 commentaires:
je note en passant que la paix dans le monde de willem (voir dernier paragraphe de cette chronique) a été publié entretemps aux éditions de l'atalante. courez vite l'acheter!
Publier un commentaire
<< Home