chester brown, louis riel
[cette critique est parue originellement sur le site bdparadisio]

L'approche de Chester Brown est assez unique. Sa rigueur biographique (avec index des noms propres et notes de fin de volume) dépasse le From Hell de Alan Moore, modèle du genre. Son trait minimaliste, lui, est redevable, l'influence est étonnante mais évidente, à Harold Gray, créateur du strip Little Orphan Annie.
Résultat, plutôt que d'aborder son histoire sur un angle sentimental (le cliché "Vécu"), Chester Brown synthétise le drame de Red River, il le schématise et le rend compréhensible. Ce faisant, il montre comment de petits incidents, exploités plus ou moins habilement dans diverses malversations politico-corporatistes, ont pu miner la relation entre Métis et Anglophones... Et c'est sans parler des Autochtones qui continueront à être massacrés sans grand ménagement.
Chester Brown, qui aurait pu choisir d'enjoliver, de romancer, offre plutôt au lecteur un magistral (c'est le mot!) livre d'histoire. Ses personnages sont humains, ses situations réalistes. Il nous dessine un Louis Riel complexe, contradictoire, ancré jusqu'à sa mort dans ses convictions très personelles. Brown nous joue les dessous de la politique canadienne, ses profondes racines assimilationnistes (la communauté Métis fut mise au pas entre autre car le Canada ne voulait pas d'un "autre Québec"; lire: d'une autre province francophone), et son rôle dans ce qui deviendra un conflit ethnique dont les traces sont toujours présentes aujourd'hui.
Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que c'est une lecture passionnante, on peut dire que Chester Brown a commis là un livre majeur et on ne peut que saluer sa sortie en français.
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