mes vacances, c'est le fait que je n'ai rien écrit dans mon blogue de l'été
c'est du travail, un blogue. et du travail profondément vain, à un niveau si fondamental qu'on s'excuse facilement de le laisser de côté quand on a mieux à faire, par exemple: jouer à openttd jusqu'à 4 heures du matin. profiter de l'été pour avancer mes projets personnels? à quoi bon quand il fait si chaud?
c'est donc sans analyse aucune, et sans la moindre intention d'être lu, que je livre (tout de même) mes quelques lectures marquantes de l'été.
l'aventure des opposants de boris bukulin
l'association a publié, pour la première fois de son existence, le manuscrit d'un parfait inconnu, reçu par la poste ordinaire, l'oeuvre, dira-t-on, d'un quidam comme vous et moi. menu aurait difficilement pu attiser davantage la curiosité de jeunes auteurs aspirant à publier chez lui. comment? non seulement menu ne publie rien de ce qu'il reçoit, mais en plus, la fois où ça arrive, il va publier un inconnu, un mec qui n'a pas de site internet, qui ne farfouille pas les forums, qui ne vient pas de telle école d'angoulême, qui d'emblée ne dessine même pas comme blain? ah, mais il n'est pas simplement méchant, le menu, il est odieux!
mais qu'est-ce qu'elle vaut, cette aventure des opposants? eh bien, tout d'abord, on peut bien oublier cette histoire de manuscrit reçu d'un débutant, ce livre est assez grand pour tenir tout seul. on note que bukulin a de la plume, qu'il manie l'absurde avec un brio qui fait plaisir à voir. avec une belle intelligence, très analytique, l'auteur nous sert des portraits, non pas psychologiques mais philosophiques. ne sert à rien de s'"attacher" aux personnages. mais on rit, et la profondeur est là. on pense à mandryka qui aurait lu wittgenstein.
on connaît la formule: "un auteur est né". il serait pourtant plus juste de dire ici: "un livre est né".
prestige de l'uniforme, de loo hui phang (scénario) et hugues micol (dessin)
j'aime de plus en plus hugues micol. je l'aimais bien dans 3. si je trouvais qu'il pateaugait un peu dans chiquito la muerte, j'ai bien aimé feuilleter ses contes du 7e souffle (avec éric adam) et surtout, je suis tombé en admiration devant l'élégance, coiffée d'un audacieux trait gras, dont il fait montre dans sa loi de la forêt (avec j-l capron, publiée en feuilleton dans ferraille). c'est dans cette veine que se trouve prestige de l'uniforme et c'est tant mieux pour nous.
pour moi, ce prestige de l'uniforme est avant tout une belle grande claque narrative, avec naturalisme pervers à la clef. le scénario implacable de hui phang est interpreté très justement par micol. le problème avec cette histoire, pour celui qui veut en dire du bien, est qu'on ne voudrait pas trop en déflorer l'intrigue -- la surprise contribue au plaisir de lecture. en tout cas, je ne sais pas pour les rumeurs, mais juste pour la qualité du livre en lui-même, ça sent le prix à angoulême à plein nez. (incompréhensible que dupuis ait publié ce livre ailleurs que dans sa collection de prestige, aire libre. la marque, dirait-on si on voulait polémiquer, d'une maison d'édition qui se cherche, comme casterman à sa mauvaise époque. pas bon, ça...)
sibylline en danger, de macherot (1968)
macherot est un auteur au parcours étonnant, pour qui connaît son talent. il a été plus ou moins renié par le lombard (éditeur de tintin) qui a malmené ses chlorophylle (la plupart n'ont jamais connu d'édition cartonnée!) et éliminé de son catalogue ses trois clifton (personnage qu'il a créé), avant de refiler ces séries aux turk, de groot et dupa, des noms maintenant bien plus connus du grand public que celui de macherot. et dupuis (il passe à spirou dans les années 1960) ne l'a pas beaucoup mieux traité, arrêtant la série chaminou après un seul album et obligeant l'auteur à refaire du chlorophylle... ce qui nous donne la fabuleuse sibylline dont les 11 albums ne sont plus disponibles qu'en occasion.
qui a peur de raymond macherot? se demande-t-on. on ne l'aimait pas, à tintin: trop enfantin (le dessin animalier) et trop adulte (le propos souvent sombre). on y préférait alors les héros boy-scout moralisateurs vaguement débiles de l'écurie greg. question d'équilibre. dupuis, quoi qu'on en dise, n'était pas beaucoup plus sophistiqué (et ne l'est pas beaucoup plus aujourd'hui, voir commentaire ci-haut), mais c'était là où sévissait l'école de marcinelle, franquin en tête, avec qui macherot se sentait davantage de parenté. malgré tout, dupuis a, dit-on, détesté chaminou et le khrompire lors de sa sortie, alors qu'on y reconnaît maintenant un classique. comme quoi, la postérité ne fait pas de cadeaux.
macherot non plus ne fait pas de cadeaux. le côté champêtre de son univers animalier suggère un optimisme trompeur. ses personnages, bons et méchants, ont leurs zones grises. à la fin de sibylline en danger, les habitants de la forêt, libérés des "camps" (brrr!), quittent leur habitat pour s'établir ailleurs, laissant le terrain aux rats qui s'y sont installés de force. nos héros, abandonnés de leurs concitoyens qu'ils ont libéré par ruse, ne contrôlent au final qu'une petite île. un souvenir de guerre cruellement efficace, mettant en vedette des souris, un porc-épic, un lapin et un corbeau... tiens, plus qu'un pas à faire, et on est chez spiegelman.
barbara, d'osamu tezuka (1974)
barbara est un livre (en deux tomes) pas très bien écrit, construit tout croche, mais bourré d'idées bizarres et franchement candide. en fait, cette histoire de perversion et d'inspiration, écrite juste après ayako (également très hétéroclite), est presque aussi gênante à lire qu'elle est fascinante. c'est que le carton-pâte dont sont faits les personnages (on a parfois l'impression qu'eux-mêmes sont incrédules devant le rôle que leur fait jouer tezuka) ressemble drôlement à celui du philip k dick des mauvais jours, la science-fiction en moins.
on pourra déplorer une analyse quelque peu superficielle des divers sujets abordés par cette oeuvre (sexualité, création, folie, ésotérisme), ce serait passer à côté du formidable pouvoir évocateur que, même dans ses moments les plus approximatifs, tezuka réussit à provoquer. le livre est habité d'une terreur languissante, jamais appuyée, comme un fantôme qui vous suivrait partout sans jamais rien vous dire ou vous faire. au final, on se sera assez attaché à barbara et on la craindra d'autant plus. et on aura excusé toutes ses maladresses à notre auteur et à son alter ego dans le livre.
1 commentaires:
bon, après recherche, je me rends compte que j'ai dit une grosse connerie lorsque je parle de l'"écurie greg": l'arrivée de greg au rang de rédacteur-en-chef de tintin correspond à peu près au départ de macherot pour spirou. aucun rapport a priori entre les deux, donc.
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